La situation inédite que traverse le pays puise ses racines dans un malaise social profond. Celui d’une partie croissante de la population touchée par la précarité, la fonte du pouvoir d’achat et le sentiment d’injustice fiscale, de mépris parfois, renforcé par les désillusions de la présidence Macron et celles déjà amorcées.
Au fil de la mobilisation, c’est pourtant une colère plus profonde qui s’exprime, se muant en crise démocratique, politique, médiatique. Sur fond de montée des populismes, alimentés par de multiples canaux désormais, le carburant principal devient le rejet des élites, de la « classe politique » et des médias, la remise en cause de la démocratie représentative et des institutions.
Cela doit inviter chacun à la responsabilité.
- Les politiques, tant l’exigence d’exemplarité et de probité s’impose pour restaurer un lien de confiance délité.
- Les médias, dont le modèle économique a fait de l’information une marchandise, construite pour satisfaire la pulsion du clic et les chiffres de l’audimat et nourrir la société du spectacle.
- Les citoyens qui, soit par dégoût, désintérêt, méconnaissance ou désinformation, se désengagent de plus en plus de la chose publique, dévorés par le consumérisme et l’individualisme.
Les réponses à ce délitement démocratique sont multiples, mais doivent passer de manière incontournable par une restauration de l’espace public : réhabilitation des corps dits intermédiaires, syndicats, partis politiques, appui sur les collectivités territoriales, réflexion sur les modes de participation...
Cela appelle en particulier à un besoin impératif de nous armer face à la puissance des réseaux sociaux sur lesquels le débat public se résume trop souvent à des raisonnements binaires alimentés par de fausses informations et le fantasme complotiste. Cela ne pourra se faire sans les citoyens, en replaçant au cœur des enjeux la transmission d’une culture politique et l’éducation à l’image et à l’information, dès le plus jeune âge…
Pour l’heure, les effets de la montée des populismes conduisent surtout à affaiblir l’Europe et ses vieilles démocraties. La bonne question est toujours la même : à qui profite le crime ?
Sans réaction collective, nous risquons forts de ressembler à des enfants gâtés de la démocratie qui finissent par casser leur plus beau jouet… avant de le regretter, souvent trop tard !
Tugdual GAUTER, Secrétaire fédéral à la reconquête des territoires
EN COMPLÉMENT :
→ Préface de Jean-Yves Camus à l'ouvrage Brève introduction au populisme, de Cas MUDDE, Cristobal ROVIRA KALTWASSER. Sur le site de la Fondation Jean Jaurès.
→ Le style intellectuel de Claude Lefort. Entretien avec Pierre ROSANVALLON, Revue Esprit, Janvier/Février 2019
→ Castoriadis, la démocratie est-elle l’affaire de tous ?, Les Chemins de la philosophie, radio France Culture, Émission du 7 juin 2017
→ La démocratie du moi, moi, moi, Article de Cécile Cornudet, Les Échos, 26 Novembre 2018